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En tant qu’agent de brevet canadien oeuvrant en hautes technologies depuis bientôt 20 ans, j’étais assez excité lorsque j’ai pris connaissance du jugement Benjamin Moore & Co. v. The Attorney General of Canada. Par ce jugement, rendu le 17 juin 2022, la cour fédérale confirme l’éligibilité d’une invention logicielle au système canadien des brevets.
En fait, ce n’est pas tant cette confirmation d’éligibilité d’une invention logicielle par la cour Fédérale qui a piqué mon intérêt. Cela, en soi, c’est de l’histoire assez ancienne. C’est plutôt l’intervention de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC), et plus spécifiquement le fait que la cour fédérale ait confirmé le test d’éligibilité proposé par cette première.
Je m’explique :
La cour fédérale avait déjà jugé, il y a plus de 10 ans, dans l’affaire [Canada] v. Amazon.com Inc. que le procédé d’achat en un seul clic, réalisé par ordinateur (donc logiciel), était éligible au brevet. Ce jugement renversait une décision émise d’abord par un examinateur en brevet, puis par la Commission d’appel des brevets, un organe de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).
Or, suivant la décision de la cour fédérale dans l’affaire Amazon, l’OPIC avait établi des lignes directrices à l’intention de ses examinateurs en brevets qui n’ont pas fait l’unanimité au sein de la communauté de la propriété intellectuelle canadienne.
Plus récemment, dans un jugement rendu en janvier 2021 dans l’affaire Yves Choueifaty v. Attorney General of Canada, la cour fédérale avait eu l’opportunité de revisiter la question d’éligibilité. Le dossier visait une invention d’Yves Choueifaty concernant un logiciel permettant de générer un portefeuille d’investissement diversifié. La décision confirmait que cette invention logicielle, aussi, était éligible au brevet. La cour fédérale indiquait au passage que les lignes directrices utilisées par l’OPIC pour arriver à une décision d’inéligibilité étaient erronées.
La communauté de la propriété intellectuelle canadienne fut excitée par ce jugement qui donnait l’espoir que les lignes directrices seraient revues de façon à être plus généreuses envers les demandes de brevet ciblant les logiciels. Or, la révision des lignes directrices qui a suivi la décision Choueifaty laissa plusieurs intervenants en propriété intellectuelle sur leur appétit.
Au cœur de la déception se trouvait une partie des lignes directrices, identifiées par l’appellation “approche problème-solution”. En effet, les examinateurs, responsables à l’OPIC de faire une détermination de l’éligibilité, avaient tendance à se référer à l’approche problème-solution. Par cette approche, les examinateurs arrivaient à une conclusion que l’ordinateur matériel n’était pas un élément essentiel de l’invention revendiquée. Par conséquent, cette dernière est une idée abstraite, dissociée d’une réalisation matérielle. Les idées abstraites étant situées à l’extérieur de la définition d’invention associée à l’article 2 de la Loi sur les brevets, l’invention devenait, du coup, non-“éligible“.
Pour revenir à la décision rendue dans l’affaire Benjamin Moore, on parle ici de deux demandes de brevet ciblant des fonctionnalités logicielles reliées. Plus précisément, un procédé de sélection de couleur qui utilise des relations dérivées de façon expérimentales en relation avec l’harmonie des couleurs et l’émotion des couleurs. Le procédé propose à l’utilisateur des combinaisons de couleur adaptées en se basant sur ces relations.
Le procureur général du Canada représentait l’OPIC dans cette affaire. Curieusement, le jugement indique que le procureur général du Canada était d’accord avec Benjamin Moore et l’IPIC en ce qui a trait au caractère erroné des décisions de l’OPIC. Le procureur général demandait plutôt à la cour de ne pas se prononcer de façon générale au sujet des lignes directrices utilisées par l’OPIC. Le procureur général argumentait que les lignes directrices étaient une question de politique interne qui relevait de l’autorité de l’OPIC.
Or, l’IPIC était intervenue pour souligner son désaccord en ce qui a trait à la présence de l’approche problème-solution dans les lignes directrices. L’IPIC est, par ailleurs, allée plus loin, en proposant son propre test pour l’éligibilité. La formulation de ce test était requis, selon l’IPIC, dans un contexte où l’OPIC appliquait régulièrement un test erroné pour déterminer l’éligibilité.
Dans son jugement, la cour donne raison à Benjamin Moore & Co. en ce qui a trait à l’éligibilité de ses deux demandes de brevet. Mais elle va aussi plus loin en confirmant la justesse du test proposé par l’IPIC. Ce test n’inclut aucun élément associé à l’approche problème-solution. La cour souligne qu’elle avait déjà soulevé, dans Choueifaty, l’incompatibilité de l’approche problème-solution avec des jugements antérieurs, notamment des jugements de la Cour Suprême du Canada. Est-ce que l’on ressent un brin d’irritation?
Ce jugement nous donne le droit d’espérer que le test proposé par l’IPIC sera intégré prochainement aux lignes directrices utilisées pas les examinateurs en brevet au Canada. Le jugement est par ailleurs de bonne augure en ce qui a trait aux positions que prendront les examinateurs canadiens en ce qui a trait l’éligibilité des inventions logicielles dans les années à venir.
Intéressant je vous dis, d’autant plus que ce développement fait suite à une tendance similaire qui s’est observée au courant des dernières années aux États-Unis.
À suivre!
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